La tête ailleurs
Lorsque nous perdons les gens que nous aimons,
de quelle que manière que ce soit, nous apprenons à mettre nos sentiments en
apnée pour les étouffer peu à peu. Nous nous appliquons à mettre nos soupirs
sous silence pour les rendre inaudibles. Nous nous ingénions à faire semblant
dans toutes choses. Nous nous débattons dans notre malaise parce qu’il faut
parvenir à resurgir de nos douleurs. Nos sourires deviennent si rares que l’espace
d’un instant nous pensons ne plus savoir sourire, ne plus pouvoir sourire.
Notre cœur brûle de colère et d’amertume, de hargne et de rage. Les joies
hésitent à revenir, car nous les considérons, dans ces moments, comme des
intruses, des impostures, des trahisons. La tristesse nous envahit sans
chercher à nous épargner. Et nous ne tentons même pas de nous épargner
nous-mêmes.
Je me demande souvent,
comment peut-on encore aimer ? Croire en ce sentiment tour à tour
éblouissant ou destructeur ?
Les blessures se sont
multipliées au cours de mes années. Même de celles qui auraient dû être les
plus tendres, les plus belles. Et malgré tout l’envie d’aimer encore. Le besoin
surtout est devenu en outre plus profond. Plus profond à chaque blessure
nouvelle. A chacune d’elle refermée.
Chaque plaie que je regarde
me rappelle des souvenirs en me persuadant que l’amour existe en dépit de tout.
L’amour sous toutes ses formes. Chaque entaille se referme doucement,
m’apportant mon lot de soulagement, de plaisirs et de tristesses mêlées.
Heureusement, il y a quelques merveilles dans ce monde. Des beautés tranquilles que nous n’imaginons
pas. La découverte n’en est que plus extraordinaire. Plus intense. Plus
étreignante. Inattendue aussi.
C’est ce que j’ai vu dans le
regard d’Eloïse !
Qui est-elle ?
Patience, je vais vous le dire. Laissez-moi juste le temps. Le temps de mettre
justement des mots vrais sur mes impressions, sur mes sentiments, sur le regard
que lui porte mon cœur attendrit. Pas d’erreurs. Pas de fautes. Je ne veux pas
me tromper, ni déformer, car elle mérite (Eloïse) les plus belles phrases.
Un beau jour, une petite
fille a surgit, là, dans ma vie. Oh ! Bien sûr, pas comme ça. C’était
prévu. Je le savais. On m’avait un peu parlé d’elle. Juste un peu.
Pas assez pour la connaître
ou me faire une idée précise ou même imprécise. Pas assez pour pouvoir imaginer
ce que serait cette nouvelle rencontre. Pas assez pour me rendre compte de ce
qu’elle représenterait pour moi ensuite. Juste assez pour me dire, tiens voilà
quelqu’un de nouveau dans mon univers.
Mais alors, pour le reste
rien qu’un peu de trac et quelques questions normales. Courantes. Et pourquoi
ne pas dire usuelles, c’est le cas. On m’avait juste prévenu qu’elle n’était
pas comme nous, qu’elle était différente. Un handicap sur lequel un nom ne
servait de toute façon à rien. Mais, ce que je ne savais pas c’est qu’elle
allait s’approprier mon cœur avec son innocence et dans une aisance parfaite.
Pour qu’Eloïse s’éveille,
je poserais mes mains sur le soleil en faisant des prières à tous les dieux de
toutes les religions, dans les cieux les plus lointains. Pour me faire
entendre. Dans toutes les langues pour me faire comprendre. Je frôlerais la
lune pour y accrocher des rubans de Noël pour qu’elle l’emporte au vent comme
un ballon.
Eloïse, Eloïse, petite
Eloïse.
Vous ne la connaissez
pas ! Ou peut-être que si ! Ou peut-être l’avez-vous tout juste
aperçue, croisée sans vous attarder, sans vous attacher, sans vous retourner.
Dans ce cas, vous n’imaginez pas ce que vous perdez. Et c’est tellement mieux.
Vous deviendriez subitement d’une jalousie forcenée.
Vous voulez savoir ?
Eh bien, soit ! Vous l’aurez voulu ! Ne m’en tenez pas rigueur
ensuite. Votre jalousie, vous l’aurez cherchée et bien entendu trouvée. Et moi,
je vous rirais au nez d’avoir le privilège de pouvoir aimer une telle âme. D’où
l’énergie fuse, remplissant tout l’espace. Puissante et fragile à la fois.
Tant pis pour vous,
souffrez puisque vous aimez cela. Mon cœur à moi est heureux. Et je ne vous
céderais pas une parcelle, même infime de ce tendre bonheur.
Petite Eloïse, ton cœur fragile me pousse à
t’en demander encore, de tes étreintes bien personnelles. Personne ne peut
offrir les mêmes que les tiennes. Elles sont trop uniques. Aucun être ne peut
les égaler.
La nature a voulu que tu
sois différente, d’accord, mais je ne t’en aimerais pas moins. On ne peut pas
ne pas t’aimer. On n’a pas le droit de passer à côté de toi sans te regarder,
ne serait-ce qu’une demi-seconde.
Que dis-je ! Une
demi-seconde ce n’est rien et en tout cas pas assez pour toi. Tu mérites bien
plus. Tu es trop belle pour ne pas en avoir plus. Belle dans le regard, belle
dans le cœur, belle dans l’âme, belle de partout.
Des regards, des sourires
en veux-tu en voilà. Rien que pour toi. Des tonnes d’amour pour t’envelopper de
chaleur. Tu ne demandes rien de plus à la vie, pourtant elle te doit tant, elle
t’a volée dès ton premier souffle, oubliée dès ton premier sourire.
Il a fallu que je te vois
une fois, une seule petite fois pour que tes yeux fassent chavirer mon cœur, en
fassent trembler les parois. Et que j’apprenne les différences. Que je devienne
une poupée de tendresse pour toi, petite rose d’amour.
Nous nous sommes revues
plusieurs fois depuis et il ne se passe pas un jour sans que je pense à toi.
Que j’aperçoive ton visage au fond de mes pensées comme un guetteur tranquille.
Comme un ange gardien sur mes nuits d’insomnie. Ton sourire vient se mettre,
là, devant mes yeux pour me rappeler que je ne dois pas perdre le mien, ni
l’oublier, ni le mettre de côté. Et lorsque je baisse mes paupières, je vois
tes grands yeux se faire douceur. De grandes billes marron, belles et
lumineuses, sereines et joyeuses et qui ont toujours quelque chose à montrer,
la gaieté.
Mon cœur réclame
silencieusement tes bras autour de ma taille pour que tu me serres encore plus
fort. Et tes excès de joie qui me font sourire tant j’aime voir ce bonheur
vivre sur ton visage angélique. Il y a tant d’émotions que tu ne contrôles pas,
mais qui te rendent merveilleuse. Il est peut-être là le secret. Tu es saine de
cœur et d’esprit dans ce monde devenu fou.
Oui, tu es différente, mais tu es, de par
cette différence, certainement la plus belle de toute. Une petite fleur qui ne
se cueille pas sous peine de se flétrir, comme je le disais à ma grand-mère.
Pourquoi ? Mais, tout
simplement parce que l’innocence te baigne ma belle enfant, que le mal ne
t’envahit pas, que la tendresse te couvre comme une couverture de soie, délicate
et gracieuse à la fois. Ça ne s’invente pas la chaleur, ce n’est pas un feu de
bois. Toi, tu l’as et c’est mieux comme ça.
Tu vois comme cela te
ressemble ! Restes celle que tu es, jolie poupée. Un jour peut-être que tu
comprendras ces mots. Mes mots que je t’offre, comme ça, simplement, parce
qu’il ne peut y avoir d’autres petites Eloïse égalent à toi. Un jour…
peut-être !
Unique tu es, unique tu
resteras, ma beauté pure.
Et que l’amour t’inonde
toujours quelle que soit ta destinée.
Tout cela pour dire qu’il
faut regarder le handicap avec le cœur et non en rire ou s’en détourner.
Personne ne choisit ce qu’il sera, la nature seule décide !
ML
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